Comment décider entre SASU et EURL en tenant compte des revenus nets ?

Le choix entre SASU et EURL représente l’une des décisions les plus critiques pour tout entrepreneur souhaitant créer une société unipersonnelle. Cette décision impacte directement le montant des revenus nets que vous percevrez, votre protection sociale, et votre stratégie d’optimisation fiscale. Chaque statut présente des mécanismes de rémunération distincts : la SASU avec son régime d’assimilé salarié et sa fiscalité à l’impôt sur les sociétés, l’EURL avec son statut de travailleur non-salarié et ses options fiscales multiples. L’analyse comparative de ces deux structures nécessite une évaluation précise des seuils de rentabilité selon votre niveau de revenus souhaité.

Régime fiscal et social SASU : impact sur la rémunération dirigeant

Assujettissement à l’impôt sur les sociétés et optimisation fiscale

La SASU est soumise par défaut à l’impôt sur les sociétés (IS), ce qui permet une déduction de la rémunération du dirigeant du bénéfice imposable. Cette caractéristique fondamentale offre une flexibilité remarquable dans la gestion de la charge fiscale globale. Le taux réduit de 15% s’applique sur les premiers 42 500 euros de bénéfices, sous réserve que le chiffre d’affaires n’excède pas 10 millions d’euros et que le capital soit détenu à 75% par des personnes physiques.

L’option pour l’impôt sur le revenu demeure possible pendant cinq exercices maximum, particulièrement avantageuse lors des premières années d’activité génératrices de déficits. Cette option permet d’imputer les pertes sur les autres revenus du foyer fiscal, créant un effet de déficit reportable sur la situation personnelle du dirigeant. Cependant, cette option devient caduque automatiquement après la cinquième année, imposant un retour définitif au régime IS.

Cotisations sociales dirigeant assimilé salarié au régime général

Le président de SASU bénéficie du statut d’assimilé salarié, l’affiliant au régime général de la Sécurité sociale avec une protection sociale étendue. Cette affiliation garantit une couverture maladie, maternité, invalidité et retraite comparable à celle des salariés, excluant toutefois l’assurance chômage. La protection sociale supérieure se traduit par des droits à la retraite complémentaire Agirc-Arrco et des indemnités journalières calculées sur la base des revenus d’activité.

L’absence de cotisations sociales minimales constitue un avantage significatif en phase de démarrage. Si le dirigeant ne se verse aucune rémunération, aucune charge sociale n’est due, permettant de préserver la trésorerie lors des premiers mois d’activité. Cette souplesse contraste avec le régime TNS de l’EURL qui impose des cotisations minimales annuelles d’environ 1 200 euros.

Calcul des charges patronales et salariales sur rémunération

Le coût total des cotisations sociales en SASU représente approximativement 75 à 82% du salaire net versé au dirigeant. Cette charge se décompose entre cotisations patronales (42% du brut) et cotisations salariales (22% du brut). Pour un salaire net mensuel de 3 000 euros, le coût total pour l’entreprise atteint environ 5 400 euros, incluant les charges patronales et salariales.

Les charges sociales élevées en SASU constituent le prix de la protection sociale étendue, mais nécessitent une trésorerie suffisante pour supporter ce coût récurrent.

La gestion administrative implique l’établissement obligatoire de bulletins de paie et la transmission des déclarations sociales nominatives (DSN). Ces formalités supplémentaires génèrent des coûts de gestion comptable généralement supérieurs de 30 à 50% par rapport à une EURL, particulièrement si vous externalisez la fonction paie.

Mécanisme de distribution de dividendes et flat tax à 30%

Les dividendes distribués en SASU échappent aux cotisations sociales et sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30%, réparti entre 12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux. Cette fiscalité forfaitaire simplifie considérablement la gestion et offre une visibilité fiscale immédiate sur le coût réel de la distribution.

L’option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu reste possible, particulièrement avantageuse pour les contribuables dont le taux marginal d’imposition demeure inférieur à 30%. Dans ce cas, l’abattement de 40% sur les dividendes et la déductibilité partielle de la CSG peuvent réduire significativement la charge fiscale globale.

Fiscalité EURL : analyse comparative des options d’imposition

Régime micro-entrepreneur et seuils de chiffre d’affaires 2024

L’EURL peut opter pour le régime micro-fiscal, applicable uniquement si l’associé unique assure personnellement la gérance et que les seuils ne sont pas dépassés. Pour 2024, ces seuils s’établissent à 188 700 euros pour les activités commerciales et 77 700 euros pour les prestations de services. Ce régime offre une simplification administrative remarquable avec un abattement forfaitaire de 71% pour les services et 50% pour le commerce.

L’impossibilité de déduire les frais réels constitue la principale limitation de ce régime. Cette contrainte peut s’avérer pénalisante pour les activités nécessitant des investissements importants ou générant des charges d’exploitation significatives. L’analyse du taux de marge réel devient cruciale pour évaluer la pertinence de cette option fiscale.

Option IS versus régime des sociétés de personnes article 8 CGI

Par défaut, l’EURL relève de l’impôt sur le revenu selon le régime des sociétés de personnes prévu à l’article 8 du Code général des impôts. Cette imposition transparente signifie que les bénéfices sont directement imposés au niveau de l’associé unique, indépendamment de leur distribution effective. La rémunération du gérant associé n’est pas déductible, créant une imposition sur la globalité du résultat.

L’option pour l’impôt sur les sociétés transforme radicalement la donne fiscale. Elle permet la déductibilité de la rémunération du dirigeant et l’application des taux d’IS (15% puis 25%). Cette option, irrévocable après cinq ans, nécessite une analyse prospective approfondie de l’évolution prévisible de l’activité et des besoins de financement.

Cotisations sociales TNS et calcul sur bénéfices imposables

Le gérant associé unique d’EURL relève du régime des travailleurs non-salariés (TNS) avec un taux global de cotisations d’environ 45% sur les revenus professionnels. Ces cotisations se calculent sur le bénéfice imposable (EURL à l’IR) ou sur la rémunération versée (EURL à l’IS). Le système de régularisation différée implique un paiement sur la base des revenus N-2, avec ajustement l’année suivante.

Les cotisations minimales annuelles d’environ 1 200 euros s’appliquent même en l’absence de bénéfices ou de rémunération. Ces cotisations garantissent néanmoins la validation de trois trimestres de retraite par année civile, préservant les droits sociaux du dirigeant. La possibilité de souscrire des contrats Madelin permet de compléter la protection sociale tout en bénéficiant d’une déductibilité fiscale.

Prélèvements sociaux sur dividendes gérant majoritaire

En EURL soumise à l’IS, les dividendes versés au gérant associé subissent un traitement fiscal complexe. La fraction excédant 10% du capital social, des primes d’émission et du compte courant moyen est assujettie aux cotisations sociales au taux TNS de 45%. Cette règle spécifique à l’EURL limite considérablement l’optimisation par les dividendes pour les sociétés faiblement capitalisées.

La règle des 10% en EURL transforme une partie des dividendes en revenus d’activité soumis aux cotisations sociales, réduisant l’intérêt de cette stratégie de rémunération.

La fraction de dividendes non assujettie aux cotisations sociales reste soumise au PFU de 30% ou à l’option pour le barème progressif. Cette dualité de traitement fiscal complique le calcul de l’optimisation réelle et nécessite une simulation précise selon le niveau de capitalisation de la société.

Simulation revenus nets : seuils de rentabilité SASU vs EURL

L’analyse comparative des revenus nets nécessite de modéliser différents scénarios selon le niveau de rémunération souhaité. Pour un objectif de revenu net annuel de 30 000 euros, la SASU impose un coût total d’environ 54 000 euros (salaire brut + charges), tandis que l’EURL TNS requiert approximativement 43 000 euros de bénéfices. Cette différence de 25% s’explique par l’écart de taux de cotisations sociales entre les deux régimes.

Le seuil d’équivalence se situe généralement autour de 45 000 euros de revenus nets annuels, niveau à partir duquel les avantages de la protection sociale SASU compensent le surcoût des cotisations. En deçà de ce seuil, l’EURL présente un avantage net significatif, particulièrement pour les activités en phase de démarrage ou présentant des revenus irréguliers.

Revenu net visé Coût total SASU Coût total EURL TNS Écart
20 000 € 36 000 € 29 000 € 7 000 €
40 000 € 72 000 € 58 000 € 14 000 €
60 000 € 108 000 € 87 000 € 21 000 €

L’intégration des dividendes modifie substantiellement ces équations. En SASU, la possibilité de répartir la rémunération entre salaire minimal et dividendes optimise la charge sociale globale. Une stratégie courante consiste à fixer un salaire annuel de 18 000 euros (seuil de validation de quatre trimestres de retraite) et compléter par des dividendes selon la capacité distributrice.

Optimisation charges sociales selon le niveau de rémunération

L’optimisation des charges sociales dépend étroitement du niveau de revenus souhaité et de la répartition entre rémunération directe et dividendes. Pour les revenus inférieurs à 35 000 euros nets annuels, l’EURL présente un avantage systématique grâce aux taux de cotisations TNS plus favorables. Cette économie permet de réinvestir davantage dans l’outil de production ou de constituer plus rapidement des réserves.

Au-delà de 50 000 euros de revenus nets, la stratégie mixte en SASU devient compétitive. Elle consiste à optimiser le ratio salaire-dividendes pour minimiser la charge sociale tout en préservant une protection sociale adéquate. Cette approche nécessite une gestion prévisionnelle rigoureuse et une coordination étroite avec votre expert-comptable pour anticiper la capacité distributrice.

Les dirigeants percevant des revenus élevés (supérieurs à 80 000 euros nets) trouvent en SASU un cadre fiscal avantageux, particulièrement si leur taux marginal d’imposition justifie le recours intensif aux dividendes. La possibilité de différer les distributions permet également une gestion optimisée de la progression fiscale sur plusieurs exercices.

Stratégies de rémunération mixte : salaire et dividendes

La rémunération mixte salaire-dividendes en SASU offre une flexibilité remarquable pour lisser la charge fiscale et sociale selon la saisonnalité de l’activité. Cette stratégie permet de fixer un salaire de base couvrant les besoins réguliers et de compléter par des dividendes variables selon les résultats. L’absence de cotisations sociales sur les dividendes génère une économie substantielle, particulièrement significative pour les hauts revenus.

La détermination du salaire optimal nécessite de considérer plusieurs paramètres : validation des trimestres de retraite (18 000 euros annuels minimum), plafonds de déductibilité des charges sociales, et objectifs de protection sociale. Un salaire annuel de 30 000 euros constitue souvent un bon compromis, permettant une couverture sociale correcte tout en préservant la capacité distributrice.

L’arbitrage salaire-dividendes en SASU permet d’adapter la rémunération aux fluctuations de résultats tout en optimisant la charge sociale globale.

En EURL, la contrainte des 10% limite cette optimisation aux sociétés suffisamment capitalisées. Une augmentation de capital peut alors s’avérer judicieuse pour relever le seuil d’exonération des cotisations sociales sur dividendes. Cette stratégie patrimoniale nécessite néanmoins un arbitrage avec les droits d’enregistrement lors d’une cession future.

Critères décisionnels patrimoniaux et perspectives de cession

La perspective de cession constitue un critère décisionnel majeur dans le choix entre SASU et EURL. Les droits d’enregistrement sur cession d’actions (0,1%) sont significativement inférieurs à ceux applicables aux parts sociales SARL/EURL (3% après abattement). Cette différence peut représenter des dizaines de

milliers d’euros sur des transactions importantes, favorisant nettement la SASU pour les projets à fort potentiel de valorisation.

La structure actionnariale de la SASU facilite également l’entrée d’investisseurs externes grâce à la souplesse statutaire et aux mécanismes d’émission d’actions préférentielles. Les pactes d’actionnaires peuvent prévoir des clauses de sortie sophistiquées (tag along, drag along) difficilement transposables en EURL. Cette flexibilité devient cruciale pour les entreprises innovantes cherchant des financements en capital-risque ou business angels.

L’EURL présente néanmoins des avantages patrimoniaux spécifiques, notamment la possibilité d’opter pour l’article 238 bis du CGI permettant l’étalement de la plus-value de cession sur cinq ans. Cette disposition, réservée aux entreprises individuelles et EURL à l’IR, peut s’avérer particulièrement intéressante pour optimiser la progressivité de l’impôt lors de cessions importantes.

Le choix patrimonial entre SASU et EURL doit intégrer non seulement les coûts d’exploitation actuels, mais également les perspectives de transmission et de valorisation à moyen terme.

La transmission familiale présente également des enjeux différenciés selon le statut choisi. La SASU permet des montages sophistiqués avec des actions de préférence sans droit de vote, facilitant la transmission progressive tout en conservant le contrôle opérationnel. L’EURL, plus rigide dans sa structure, peut néanmoins bénéficier du régime fiscal des donations-partages pour optimiser la transmission intergénérationnelle.

L’analyse des coûts de détention sur le long terme révèle que la SASU génère des frais de gestion plus élevés (expertise comptable, formalisme social, assemblées générales) estimés entre 500 et 1 500 euros supplémentaires annuels. Cette différence doit être mise en perspective avec les gains d’optimisation fiscale et les perspectives de valorisation pour déterminer la rentabilité globale du choix statutaire.

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